Daniel BERNARD Berry MAG été 2008 N° 86
Les Gâs du Berry :
la première société folklorique de France fête ses 120 ans
A la fin du XIX° siècle, les mouvements régionalistes commencent à se développer et de nombreuses recherches et publications sur les traditions paysannes voient le jour. A Paris, lors des expositions universelles de 1889 et 1900, des congrès internationaux se tiennent sur ce thème et suscitent des actions de sauvetage des traces matérielles (costumes, outils…) ou immatérielles (danses, musiques, contes, patois…) de la société paysanne. Les groupes folkloriques apparaissent en France à cette époque où les modes de vie s’uniformisent et où les traditions populaires se transforment sous l’effet de l’industrialisation, de l’urbanisation et de l’exode rural.
120 ans de défense des traditions
Dans la mouvance régionaliste des débuts de la Troisième République, le Berry fut pionnier. Le 30 mars 1888 à Paris, Jean Baffier, sculpteur berrichon né à Neuvy -le-Barrois, fonde la Société des gas du Berry et aultres lieux du Centre. Regroupant quelques vielleux et cornemuseux, cette société artistique, littéraire et patriotique se donne pour but « de réveiller et d’entretenir le goût de nos traditions ».
En contact avec Baffier, Edmond Augras crée à Châteauroux le 21 septembre 1888, une société soeur qui porte le même nom. Il en devient le premier président et le 9 avril 1889, Maurice Sand assure la présidence d’honneur. De 1904 à 1961, Aurore Sand, petite fille de l’illustre romancière, en resta présidente d’honneur.
Dix sept Gâs du Berry allaient connaître la renommée en participant à une grande sortie à Paris lors de l’exposition universelle de 1889. De 25 membres en 1889, la société ne cesse de s‘étoffer et participe aux grandes réjouissances de la Belle Epoque ( fête du centenaire de la naissance de George Sand à Nohant et la Châtre, fête régionaliste à Bourges en 1911…). Désormais, les Gâs en biaude défilant au son des vielles et cornemuses deviennent des figures emblématiques de la province. Dans l’entre -deux-guerres, le groupe est déjà apprécié hors des frontières régionales.
Les présidents Augras, Lafarcinade, Touraine, Légeron, Bignet et Lejot ont laissé une empreinte durable. De 1970 à 2000, Jacques Fradet préside aux destinées du groupe qui ne cesse de rayonner : il est de toutes les manifestations régionales et porte les couleurs du Berry hors des frontières nationales. « Lorsqu’en 1973 Jacques F radet, jeune président des Gâs du Berry, décide de créer la fête au village, il a en tête le tableau de Maurice Sand (une assemblée) qui trône au mur du siège de l’association, dans la maison sur la place de Nohant.
Il n’ignore pas qu’en faisant revivre la fête de Ste Anne il continue l’œuvre des fondateurs de la société des Gâs du Berry et il inscrit dans la tradition cette fête qui deviendra un rendez-vous rituel maintes fois imité. » (1)
Avec Erick Fradet, président de 2000 à 2006 et Michel Sallandre qui préside actuellement aux destinées de la Société se développent des actions nouvelles visant à promouvoir l’âme et la culture berrichonne.
Transmission, évolution, ouverture…
Aujourd’hui les Gâs du Berry comptent 75 membres dont 65 musiciens, (30 cornemuseux et 35 vielleux). Parmi eux, une dizaine de jeunes musiciens s’initient aux instruments rustiques .
Dans un souci de maintenir la tradition, la Société a mis en place une école de pratique instrumentale sous la responsabilité des chefs de musique.
« Depuis 1973, elle présente, chaque été, un spectacle très souvent inspiré d’un roman ou d’écrits de George Sand, dans l’enceinte du domaine de Nohant . Au cours des quatre dernières années, l’ouverture à d’autres musiques et à d’autres musiciens a permis de proposer une palette de prestations plus riches où le travail patrimonial prend tout son sens. » (1) Ainsi en 2006, le spectacle élaboré à partir de La Petite Fadette offre un véritable métissage associant les musiciens des Gâs du Berry, l’Harmonie municipale de la Châtre et Cyril Huvé pianiste et concertiste classique.
En 2007, avec Sang pour Sand, « les Gâs du Berry poursuivent leur démarche d’ouverture vers d’autres musiques et d’autres traditions culturelles en adaptant un roman policier contemporain de Martine Cadière, écrivain belge, conférencière spécialiste de George Sand.
En proposant à d’autres musiciens, venus d’horizons différents, de venir se joindre aux accents des vieilles et de cornemuses, les Gâs du Berry innovent tout en continuant à servir la tradition dont ils sont les héritiers. Une culture, aussi ancrée soit-elle dans la tradition, ne peut survivre que si elle s’enrichit des apports des autres. C’est toute la philosophie actuelle des Gâs du Berry pour lesquels il ne saurait y avoir de vision passéiste et figée dans le respect d’une tradition folklorique désuète » (1)
2008 : 120 danseurs pour 120ans,un rendez-vous attendu
L’histoire des Gâs du Berry se résume en quelques dates : 120 ans de musique depuis la création en 1888, 60 ans de danses depuis l’ouverture du concours aux danseurs et danseuses sous la présidence d’Albert Lejot et 30 ans de théâtre avec et à la suite de Jacques Fradet. Pour fêter dignement ces anniversaires, les Gâs du Berry proposent en juillet 2008 un spectacle nocturne : 120 danseurs pour 120 ans et mettent en œuvre « un projet d’ouverture et de rassemblement dont le point d’orgue sera la présentation d’animations et de spectacles fin juillet à Nohant. Ce spectacle, poursuivent les initiateurs de ce projet fédérateur etinnovant, est un véritable défi puisqu’il se propose de rassembler surscène 120 danseurs.» (1)
Depuis le début janvier, plus de 135 personnes participent à la réalisation de cet ambitieux projet. Les Gâs du Berry ont fait appel aux danseurs de la région, membres des groupes folkloriques ( La Rabouilleuse, Les Thiaulins, Chants et d anses du Berry, Les Brioleux, Les Sonneurs de la Vallée Noire, La Guérouée de Gâtines, Les Forestins de la Forêt du Temple…), individuels ou membres des ateliers danse du Boischaut du sud. Ce travail de préparation précis dans une ambiance conviviale a permis de ressouder des liens entre divers groupes et associations qui tous oeuvrent pour la défense et la transmission du patrimoine dansé du Berry.
A la fin juillet, «120 ans après leur création et 35 ans après la première fête au village, les Gâs du Berry proposent un nouveau concept celui d’une animation kaléidoscope qui, pendant huit heures (de 11h du matin à 19h), va permettre à l’auguste société, à ses épigones et amis de montrer la diversité de leurs talents. Le village de Nohant va devenir une vaste scène où le public va pouvoir découvrir les Gâs du Berry musiciens, danseurs, chanteurs mais aussi conteurs et les groupes et musiciens amis invités .» (1)
Création artistique originale et unique, le spectacle 120 ans pour 120 danseurs bénéficiant de nombreux partenaires locaux (Conseil Général, France Bleu Berry ….), prendra la forme d’un spectacle nocturne mettant en valeur le patrimoine dansé et musical du Berry avec une mise en scène originale et actuelle.
Grâce aux Gâs du Berry, « mainteneurs mais avant tout créateurs des traditions de demain », ce sera un véritable hommage à la bourrée, à George Sand et à tous ceux qui depuis 120 ans oeuvrent pour la défense de notre patrimoine culturel berrichon.
© Daniel BERNARD
(1) Toutes les citations proviennent du rapport « Projets d’activités pour 2008 » qui m’a été aimablement transmis. J’adresse mes remerciements amicaux aux Gâs du Berry qui m’ont bien volontiers apporté leur aide, en particulier Erick Fradet, Alain Barrault et Michel Sallandre.
Avec nos remerciements à Daniel Bernard pour l’autorisation de reproduire son article publié dans Berry Mag
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